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24 juin 2013

La femme sauvage ...


AVOIR L’AIR DIFFéRENT

… Alors qu’il est utile de jeter des ponts, même avec les groupes auxquels on n’appartient pas – et il est important de se montrer gentilles – il est aussi impératif de ne pas faire des efforts démesurés, de ne pas se persuader que si l’on agit comme il faut, si l’on parvient à museler la criatura sauvage, on pourra passer pour une dame exquise, discrète et effacée. Ce genre d’attitude, ce désir du moi d’avoir à tout prix une appartenance, annule la communication avec la Femme Sauvage dans la psyché. Résultat : une femme à laquelle on a rogné les griffes, au lieu d’une femme pleine d’élan vital. Une femme bien élevée, bien intentionnée, qui s’essouffle à vouloir être parfaite. Non, il est meilleur pour l’âme de rester ce que nous sommes et de laisser les autres être ce qu’ils sont.


Emotions gelées, créativité gelée

 Il y a d’autres façons d’affronter l’exil. Certaines femmes, comme le petit canard pris par la glace sur l’étang, deviennent elles aussi de glace. C’est la pire des choses qui puissent  arriver à quelqu’un. Ce froid, c’est le baiser de la mort donné à la créativité, aux liens affectifs, à la vie elle-même. Devenir de glace n’est pas, au contraire de ce que semblent penser certaines, une réussite. C’est un acte de colère défensive.
 

En psychologie archétypale, être froid, c’est être dénué d’émotions. Il existe des histoires qui parlent de l’enfant gelé, de l’enfant qui ne peut rien ressentir, de cadavres pris dans la glace, là où le temps ne passe plus, où rien ne devient plus, où rien ne naît plus. L’humain devenu de glace décide de ne plus rien éprouver, ni à l’égard de lui-même, ni aussi, parfois, à l’égard des autres. Même s’il s’agit d’un mécanisme d’autodéfense, il est nuisible à l’âme psyché car la psyché ne réagit pas à ce qui est glacé, elle préfère la chaleur. Une attitude glacée va éteindre la flamme de la créativité chez la femme, inhiber sa fonction créatrice.

 C’est un problème grave. Le conte nous donne une idée pour le résoudre : il faut briser la glace et libérer l’âme de son carcan de gel.

 La femme écrivain dont l’inspiration se tarit sait que la seule solution, c’est d’écrire pour contrer la sécheresse. Mais si elle est prise dans la glace, elle ne peut écrire. Il existe des peintres qui meurent d’envie de peindre mais se disent : « Laisse tomber. Ton œuvre est moche et franchement bizarre. » Il existe des artistes, encore incertaines ou déjà chevronnées, qui, chaque fois qu’elles prennent la plume ou le pinceau, chaque fois qu’elles enfilent leur justaucorps de danse ou lisent un scénario, entendent : « tu ne fais que des choses marginales ou inacceptables, parce que tu es toi-même marginale et inacceptable. »

La solution ? Imiter le petit canard. Aller de l’avant, se battre. Prendre la plume, la poser sur le papier et cesser de gémir. Ecrire. Prendre le pinceau et se mettre à peindre. Mettre son justaucorps, attacher ses cheveux et laisser aller son corps. Danser. Artistes de toutes disciplines, théâtre, musique, poésie et autres, cessez de parler, enfermez-vous et pratiquez votre art. Ce qui bouge ne peut en général geler. Alors, bouger.
 
Extrait du livre de Clarissa Pinkola Estés "Femmes qui courent avec les loups".





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