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14 juillet 2023

Appeler un chat un chat

Lorsqu’on démarre dans la vie au sein d’une famille toxique, lorsque l’on tombe sur un parent ou deux parents maltraitants, c’est un peu comme si on vous ôtait tous les outils qui pourraient vous armer face aux dangers éventuels, vous aider pour avancer joyeusement, vous aider à vous défendre face aux épreuves. S’il s’agissait d’un jeu vidéo, on pourrait imaginer votre personnage avec un bras, ou une jambe en moins, ou aveugle, sans « vies » de secours, vous avanceriez à l’aveuglette, sans possibilités d’avoir des « stuffs » pour combattre les ennemis potentiels. 

 

La vraie vie n’est pas un pay-to-win.
Sauf que là, c’est la vraie vie, et que le game-over ne vous permet pas de rejouer. Et que vous aurez beau verser quelques euros pour avoir des vies en plus cela sera impossible. Il va falloir s’accrocher sérieusement pour avancer sur votre chemin personnel. Vous jouez le rôle de votre vie avec des « handicaps », ce n’est pas gagner. Le pire c’est que vous ne le savez pas, que vous pensez être au même niveau que les autres « joueurs », que l’enfance que vous avez vécue est somme toute normale, et que tous les symptômes étranges qui vous empêchent de vivre bien sont de votre fait. Vos parents, de part leur maltraitance, quelle soit physique ou psychique, négligence ou coups, phrases blessantes ou punitions stupides, non-dits, silences imposés, dénis, avilissements, menaces, du « c’est pour ton bien » à la culpabilisation de vivre, du non respect de vos besoins primaires enfant au sentiment récurrent d’insécurité, tout cela contribue à faire de vous un adulte bancale, et qui se culpabilise de l’être. Il faut en finir avec le dédouanement de la responsabilité des parents. Il faut en finir avec la phrase la plus stupide que j’ai entendue et entend encore « il faut pardonner », cette phrase prononcée à un adulte en souffrance qui n’a pas encore travaillé sur lui pour comprendre ce qui s’est joué dans son enfance, le rôle que ses parents ont eu dans ce mal-être, est la pire façon de lui enfoncer la tête sous l’eau alors qu’il appelle au secours ! Laissez les adultes se réparer avant d’évoquer ce mot de pardon, personne ne devrait avoir le droit de le prononcer d’ailleurs, parce que le pardon n’est pas une action qui se commande mais un processus au cours de la guérison, et il n’est jamais ni obligatoire, ni indispensable. Laissez aux adultes en souffrance le choix de le vivre ou pas ! C’est une résurgence de l’éducation judéo-chrétienne, qui ne fait qu’asseoir le pouvoir des parents maltraitants. Les parents aimants n’ont pas besoin d’être pardonnés. Et les parents maltraitants qui ne demandent pas pardon, ont encore moins le droit de l’être. Je dis et je répète, le pardon est un cheminement très personnel, que personne ne doit imposer ou pire proposer comme étant la solution ! Il faut en finir avec cette façon de protéger les parents contre leurs enfants ! Il faut que cela cesse ! Il faut que la bien-pensance vis-à-vis des bourreaux soit remplacée par la bienveillance vis-à-vis des victimes !

Ce que ce genre de parent fait à son enfant ressemble à un piratage informatique par un hacker malveillant qui mettrait une puce destructrice du système dans un ordinateur. Sur le plan neuronal les connexions sont abîmées, sur le plan physique le système immunitaire est atteint, sur le plan psychologique les émotions viennent envahir de façon anarchique le mental, la connexion entre le cortex préfrontal et le cerveau émotionnel ne se fait plus, cela crée un ressenti anxiogène au quotidien. 

Les addictions viendront « éteindre » momentanément les ressentis douloureux, incompréhensifs dont le jeune « enfadulte* » s’accuse d’être responsable, parce qu’il ne sait pas pourquoi il agit ainsi. Cela va de la prise de drogues, de médicaments, d’alcool, d’alimentation à outrance, impulsive, non contrôlée, à un défoulement dans une activité excessive, sexuelle, sportive ou professionnelle, à des dépenses inconsidérées, des achats inutiles mais qui donnent l’impression de contrôler quelque chose de sa vie, en fait tout ça permet de mettre ses pensées sur off, le temps de vivre ses pulsions. Pourquoi mettre ses pensées sur off ? Pour ne pas souffrir. Parce que la maltraitance subie dans l’enfance vient faire souffrir, de manière sournoise, l’adulte qui en fut victime.

Il possède un corps dont le gouvernail lui est « ôté » de temps en temps. Pendant ces moments d’addiction, il croit diriger sa vie, mais c’est faux. Il est encore sous l’emprise de la maltraitance.

Dans de nombreux ouvrages traitant de ce sujet, il est dit que, soit l’enfant victime se mettra du coté de l’agresseur, s’identifiera à lui et deviendra lui-même agresseur, soit il sera dépressif dans l’autodestruction et pourra mettre fin à ses jours, soit il se fera aider sur le plan psychologique, et, grâce à un long travail sur lui il pourra s’en sortir, malgré les dégâts déjà occasionnés.

Sinon, sous l’emprise d’addictions diverses et variées, il sentira que sa vie n’est pas ce qu’elle aurait pu être mais s’en contentera jusqu’à sa mort. Dans le déni de ce que ses parents lui ont infligé. « Les pauvres, ils ont fait ce qu’ils ont pu », « s’ils m’ont frappé je l’avais mérité » et autres pensées absurdes de ce genre.

Alice Miller parle beaucoup de la colère, celle que l’adulte victime de maltraitance parentale doit réussir à exprimer. Il faut que ça sorte ! Tant qu’il garde pour lui cette colère, il sera affecté. Je ne dis pas qu’il faut aller sortir sa colère face aux parents, mais si c’est possible pourquoi pas. Certains parents sont tellement toxiques que c’est inutile de le faire face à eux, ou alors en sachant qu’ils ne changeront pas d’avis, et que jamais au grand jamais ils ne s’excuseront. Je crois à la force de la thérapie, crier sa colère face à un thérapeute aguerri sur le traumatisme, est très libérateur. Le faire seul dans la nature l’est moins, il me semble qu’il est important d’avoir un témoin. Un témoin compatissant bien sûr.

* enfadulte : mot imaginé pour dire un adulte dont l’enfance maltraitée a fait un demi adulte, enfant adulte.

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