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28 janvier 2021

Ma vision du burn-out

Voici l'interview que m'a faite par écrit Marina Bourgeois du cabinet "Oser rêver sa carrière", en  juillet 2020. En cliquant sur le lien vous accèderez à son blog.  

https://medium.com/oser-r%C3%AAver-sa-carri%C3%A8re/le-burn-out-est-un-effondrement-93bac0ff52ed

 

Laurence, pour toi qu’est-ce que le burn-out ? Comment le définirais-tu ? Le burn-out est un effondrement. Le corps ne répond plus. Il est sur off. La fatigue physique et psychique est immense et incompréhensible. Le burn-out fauche la personne qui, en temps normal, est très active. C’est un arrêt brutal.
C’est l’impossibilité de réagir, la volonté d’aller mieux ne suffit plus.
Le burn-out, ou épuisement professionnel, est d’après moi, le résultat de la rencontre entre une personne ayant le désir du travail bien fait, possédant de fortes valeurs morales, entière, appliquée, ne sachant pas se mettre des limites, et une entreprise non-conforme à ses attentes, dénuée des valeurs auxquelles elle tient, où seule compte la rentabilité , où le travail bien fait n’a pas sa place.

A quel âge as-tu chuté ? A 53 ans.

L’as-tu senti venir ? Oui et non. Je me sentais vraiment en danger, je me disais « mon travail va me tuer » mais je ne savais pas ce qu’était le burn-out avant que cela m’arrive.

Comment s’est-il manifesté ? Deux années avant la chute, j’ai eu des signes, maux de tête très forts, arrêt maladie pendant 15 jours avec impossibilité de me lever ou presque. Je ne savais pas ce que j’avais. J’étais effondrée. J’ai eu très peur pour mon cerveau. Je suis retourné travailler, j’ai tenu coûte que coûte. Quelques mois avant l’effondrement, je faisais des cauchemars en lien avec le travail, j’avais des crises de larmes en allant travailler, j’étais de plus en plus fatiguée, j’avais peur d’aller travailler, je ressentais une forte anxiété au travail. Impression d’être dans une impasse.

Où en es-tu aujourd’hui Laurence ? Je suis toujours très fatigable. J’étudie les domaines qui m’intéressent, et j’apprécie vraiment de pouvoir le faire. Je le fais à mon rythme qui est devenu très lent. Je ne peux pas rester concentrée longtemps, ma mémoire me joue des tours, mais je l’accepte. Tout comme j’accepte ce besoin de dormir dans la journée, comme une obligation donnée par mon corps. Et je l’écoute.

Cet épisode a-t-il changé ta perception du monde du travail ? Complètement. Je n’aime pas le mot travail, je préfère activité. Pour
quoi ai-je envie d’être active ? Pour quelque chose qui m’intéresse et pour laquelle j’ai envie de m’investir. Une activité qui a du sens, une activité qui fait que je suis heureuse de la faire. Le travail, lorsqu’il est alimentaire, et c’est souvent le cas, est un non choix, il répond à une demande économique. La société actuelle, mais peut-être cela est-il en train de changer (et je l’espère pour les jeunes générations), la société donc, ne met pas en avant la propension de tout individu à développer ses propres talents, à être créatif dans les domaines pour lesquels il se sentirait épanoui. Je trouve cela très dommageable. Pour l’individu, d’abord, pour la société ensuite. Il faudrait commencer par revoir l’enseignement au collège et au lycée, au primaire aussi sans doute.

Pour t’en sortir, quelles béquilles as-tu utilisées ? Le mot béquille me fait sourire. J’avais plutôt besoin d’un brancard … Plus sérieusement, j’ai commencé par des séances régulières avec un psychiatre formidable, en individuel, et en groupe (j’ai découvert l’inestimable pouvoir des
groupes de paroles pour aider à aller mieux). Ensuite, ou du moins en même temps, la marche dans la nature. Dès que je pouvais, et malgré mon immense fatigue, je marchais, à la vitesse d’un escargot au début, mais je sentais que cela était indispensable pour bouger ce corps qui ne rêvait que de s’allonger ! J’ai commencé le yoga, mais c’est surtout la méditation quotidienne qui m’a le plus aidée. Je n’ai pas pris d’antidépresseur, mais des plantes. La méditation, que je ne pratiquais pas avant, a des effets très bénéfiques sur le cerveau. Je ne peux que la conseiller. La pratique du Yoga Nidra m’a énormément apporté. C’est une méditation avec scanne mental du corps. Très bénéfique quand on a un cerveau qui fonctionne « trop » et trop vite.
J’ai tout fait pour aller mieux, je pensais au fait que je devrais retourner travailler et je voyais bien que, vu l’état dans lequel j’étais, ça allait être compliqué. J’avais rapidement fait l’analyse que mon corps avait besoin que je m’occupe de lui, que je le respecte, que je l’écoute. Je me suis fait aidée d’une naturopathe et d’une diététicienne. J’ai fait des séances de Reiki, très belle découverte, j’ai médité en groupe, j’ai participé à un cercle de femmes, j’ai fait de belles rencontres. Au final, je me suis ouverte à une forme de spiritualité, la mienne, sans dogme, sans religion.

Crains-tu de reprendre le travail Laurence ? Je me suis sentie libérée d’un poids énorme quand j’ai su que je ne retournerai pas travailler dans la société où j’ai vécu mon épuisement professionnel. J’ai alors suivi deux formations à distance, grâce à internet, et j’étudie toujours en vue d’une activité qui me convienne et que je pourrai et devrai faire car ma retraite ne me suffira pas pour vivre. Je l’aborde différemment. Aider des personnes en souffrance est mon objectif. Je le ferai à mon rythme. Je suis incapable de travailler comme avant. J’approche de soixante ans, si physiquement j’ai beaucoup perdu (fatigabilité + problème de mémoire + difficulté de concentration), je sais que je suis apte à apporter du mieux-être, à écouter, à aider la personne qui viendra me voir à trouver du sens à son existence, à trouver ses propres richesses intérieures, à être à l’écoute de son corps et de son âme. J’ai coaché bénévolement des personnes pendant que je me formais, j’ai découvert que l’on pouvait aussi avoir une activité qui apporte beaucoup de joie, oui de la joie ! Le burn-out m’a obligé à diminuer mon coté perfectionniste. Aujourd’hui, lorsque j’ai un projet je ne me mets plus de pression. Je fais du mieux que je peux au moment où je le fais, dans l’état où je suis. Et c’est formidable. J’ai gagné en simplicité et en plaisir.

Si tu devais le comparer à un animal, lequel choisirais-tu ?   

Un animal ?… Je ne sais pas … Un taureau qui fonce droit sur moi et me piétine … pour m’obliger à recommencer différemment après avoir réfléchi sur moi, sur ma vie, sur mon enfance … Peut-être. Ou un phénix, parce qu’il renait de ses cendres.

Merci beaucoup pour ton témoignage Laurence, cela est très précieux pour nos lecteurs ! J’espère que ça aidera ceux qui traversent cette épreuve dans leur vie. Je souhaite rajouter ce qui me parait très important, le fait que rien ne dure, même les épreuves finissent par passer. Ne pas rester seul(e) avec ses questions, avec ses tourments. Il existe des gens pour aider ceux qui en ressentent le besoin. Il existe des lois, et des personnes pour les faire appliquer, il existe des réseaux de soutien, et surtout, il existe en chacun de nous une force dont on n’a pas idée. Le burn-out permet de réfléchir sur soi, sur le chemin parcouru, et autorise à regarder ce qui s’est joué peut-être, pour soi, dans son enfance. Faire un travail thérapeutique pour guérir ses blessures est le plus beau cadeau que l’on puisse se faire. Il n’est jamais trop tard.

 

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